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Là-dessus il embrassa Lucilio, et même, pour la première fois de sa vie, le fidèle Adamas, qui écrivit en lettres d’or ce fait glorieux sur ses tablettes.

Puis le marquis prit Mario dans ses bras, le plaça sur la table au milieu de la chambre, et, s’éloignant de quelques pas, se mit à le contempler comme s’il ne l’eût pas encore vu.

C’était son bien, son héritier, son fils, la plus grande joie de sa vie.

Il l’examinait de la tête aux pieds en souriant, avec un mélange de tendresse, d’orgueil et d’enfantillage, comme si c’eût été un tableau ou un meuble magnifique ; et, comme il se sentait déjà père et ne voulait pas donner de vanité ridicule à ce noble enfant, il renfonçait ses exclamations et se contentait de faire briller ses gros yeux noirs, de montrer ses grandes dents riantes, tournant complaisamment la tête à droite et à gauche, comme pour dire à Adamas et à Lucilio : « Hein ! quel garçon, quel air, quels yeux, quelle taille, quelle gentillesse, quel fils ! »

Ses deux amis partageaient sa joie, et Mario supportait l’examen d’un air tendre et assuré qui semblait leur dire : « Vous pouvez me regarder, vous ne trouverez en moi rien de mauvais ; » mais il semblait dire au vieillard plus particulièrement : « Tu peux m’aimer de toutes tes forces, je te le rendrai bien. »

Et, quand l’examen fut fini, il y eut encore entre eux une étreinte, comme s’ils eussent voulu se rendre en un baiser tous les baisers dont l’enfance de l’un et la vieillesse de l’autre avaient été privées.

— Voyez-vous, mon grand ami, dit le marquis à Lucilio dans sa joie, qu’il ne se faut point moquer des devins, lorsque c’est par les astres qu’ils nous prédisent