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Pilar resta longtemps immobile, faisant mine de se rendormir ; elle grelottait la fièvre.

— Allons, allons, gibier de potence, étoupe de bûcher ! reprit La Flèche, ramassez cette pièce d’or, et je vous dirai où est Mario, votre bien-aimé.

— Hein ! fit le marquis en se retournant, que dit-il de Mario ?

— Qu’est-ce que Mario ? lui demanda Lauriane.

— Silence ! cria de Beuvre ; le diable parle, et c’est de vous qu’il s’agit, mon voisin !

L’enfant parla ainsi en français avec un accent prononcé et une voix criarde :



Celui de qui dépend ce gage,


S’il veut écouter le présage


Et se bien garer de l’amour…

— J’en ai assez dit, je n’en veux plus dire, ajouta-t-elle en espagnol.

Elle ne se souvenait plus de sa leçon. Ni prières ni menaces ne purent lui faire retrouver la mémoire ; mais elle n’avoua pas qu’on l’avait serinée ; elle était déjà sorcière et vaniteuse de son état. Elle connaissait le grimoire beaucoup mieux que La Flèche, et elle aimait à prophétiser. En voulant lui apprendre des vers, ce qu’elle appelait une autre magie, La Flèche l’avait irritée, et le sentiment qu’elle ne s’en tirerait pas avait mortifié son amour-propre.

Elle secoua sa tête hérissée de cheveux noirs comme l’encre, frappa du pied et se livra à une colère de pythonisse.

— C’est bien ! c’est bien ! s’écria La Flèche résolu à en tirer parti, n’importe comment. Voilà que ça vient ; le diable lui entre dans le corps, elle va parler !