Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol1.djvu/169

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais son dangereux magnétisme perdit toute vertu.

Il semblait à Lauriane que la tranquille présence d’un homme de bien comme Lucilio fût un contre-poison. Elle eût rougi d’être vaine devant lui. Elle se sentait sous son regard, et c’était une protection. Elle vit l’Espagnol se piquer et s’irriter peu à peu. Elle essaya ses forces en lui tenant tête.

Il voulait qu’elle renvoyât cet importun, et il le disait, à dessein, de manière à être entendu de lui.

Lauriane refusa net, disant qu’elle voulait encore de la musique.

Aussitôt Lucilio se mit en devoir de gonfler sa musette.

D’Alvimar porta la main à son pourpoint, en tira un couteau espagnol bien affilé, et, l’ayant ôté de sa gaîne, se mit à jouer avec comme pour se donner une contenance ; tantôt faisant mine de vouloir écrire avec sur le vieil if, et tantôt de le lancer devant lui en manière de jeu d’adresse.

Lauriane ne comprit pas cette menace.

Lucilio était impassible, et pourtant il était trop Italien pour ne pas connaître la colère froide d’un Espagnol, et pour ne pas savoir où peut aller la pointe d’un stylet lancé comme au hasard.

En toute autre circonstance, il se serait inquiété pour son instrument, que l’œil de d’Alvimar semblait guetter pour le percer. Mais il obéissait à Lauriane, il combattait pour l’innocence, comme Orphée pour l’amour avec sa lyre victorieuse ; il entama bravement un des airs morisques qu’il avait entendus et notés la veille.

D’Alvimar se sentit bravé, et le foyer d’amertume qui couvait en lui commença à le brûler.

Adroit comme un Chinois à lancer le couteau, il résolut