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Issoudun, faisant pendre et brûler tant qu’ils pouvaient. En leur absence, le manoir de Sarzay n’était pas trop bien gardé. Le pays d’alentour étant tout dévoué aux catholiques et à M. de la Châtre, on ne se méfiait point de moi qui étais trop seul et trop pauvre pour rien entreprendre.

» Je m’imaginai d’y pénétrer sous un prétexte et d’y faire main basse sur les joujoux, à moins que quelque valet ne m’en voulût vendre, car il n’en fallait pas chercher ailleurs. C’était marchandise de luxe, et que l’on ne débitait point dans les petits endroits.

» Je me présente donc hardiment, comme venant de la part de mon père, et je demande l’entrée du château comme pour parler à la nourrice des jeunes gens, qui, lors, étaient déjà à cheval, comme moi, et battant le pays. J’entre, je m’explique, et la nourrice me reçoit mal.

» Elle savait que j’avais déjà guerroyé pour les calvinistes et que mon père ne m’aimait point ; mais l’argent l’adoucit : elle monte en une chambre haute et m’apporte ce que les enfants, devenus grands, avaient laissé de moins endommagé.

» Me voilà donc parti avec un cheval, un chien, une citadelle, six canons, un chariot et beaucoup de petite vaisselle de fer, le tout dans un grand panier couvert d’une toile, que j’avais attaché derrière moi sur mon cheval. J’en avais jusqu’aux épaules, et, tout en sortant de la cour de Sarzay, j’entendais les valets rire du haut des croisées, et se dire entre eux :

»

— C’est un grand innocent, et, si nous n’avons jamais maille à partir avec d’autres réformés, nous en aurons vite bon marché.

» Quelques-uns avaient bien envie de m’envoyer