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et tendus, annonçaient son malaise et son inquiétude.

Il n’avait pas l’esprit de retourner en arrière ; il s’en allait droit sur l’étang, où l’impossibilité de franchir le barrage pouvait bien épuiser ce qui lui restait de force pour nager.

Cependant le danger n’était pas encore imminent, et Lucilio s’efforçait de faire entendre, par gestes, à la Morisque de ne pas se jeter à l’eau. Elle n’en tenait compte et descendait le talus gazonné, lorsque le marquis, voyant le danger que couraient ces deux pauvres êtres, essaya de déboutonner son manteau.

Il se fût jeté à la nage ; il allait le faire sans consulter personne et sans que d’Alvimar comprit son dessein, lorsque Lucilio, qui s’en aperçut et que rien ne gênait, sauta du pont dans le fossé et se mit à nager avec vigueur vers l’enfant.

— Ah ! ce bon, ce brave Giovellino ! s’écria le marquis oubliant, dans son émotion, la traduction française qui dénaturait le nom de son ami.

D’Alvimar enregistra ce nom dans les petites archives de sa mémoire, qui était très-fidèle, et, tandis que le marquis s’approchait du talus pour calmer et retenir la Morisque, il resta, lui, sur le pont, regardant avec un singulier intérêt ce qu’il adviendrait de l’aventure.

Cet intérêt n’était pas celui que toute bonne âme eût ressenti en pareille circonstance, et pourtant l’Espagnol éprouvait une vive anxiété.

Il ne tenait pas à ce que le muet fût noyé, ce qui n’avait aucune raison d’arriver ; mais il souhaitait que l’enfant périt, chose qui paraissait très-possible. Il ne demandait pas au ciel d’abandonner cette pauvre créature ; il ne raisonnait pas son cruel instinct ; il le subissait,