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Il était sujet, depuis quelques années, à ces vertiges subits, et il mettait volontiers sur le compte des visages qui le frappaient dans ces moments-là un phénomène qui se passait en lui-même. Il croyait à des influences mystérieuses, et, pour les détourner, il s’empressait, à tout hasard, de renier et de maudire intérieurement les êtres qui lui semblaient investis de cette puissance occulte.

— Puisse ce gros cheval le casser le cou ! murmura-t-il en lui-même en relevant, sous son manteau, deux doigts de sa main gauche pour conjurer le mauvais œil.

Il recommença ce geste cabalistique en voyant la Morisque venir vers lui dans le préau.

Elle s’arrêta un moment, et, comme la veille, elle le regarda avec une attention qui l’irrita.

— Que me voulez-vous ? lui dit-il brusquement en marchant à elle.

Elle ne répondit rien, et, le saluant, elle courut pour rejoindre son enfant, qu’elle s’inquiétait de voir à cheval.

Le marquis venait au-devant de son hôte avec Lucilio Giovellino.

— Venez donc manger, lui dit-il ; vous devez être mort de faim ! La Bellinde se désole de ne vous avoir pas vu sortir ce matin, et, conséquemment, de vous avoir laissé partir à jeun pour la promenade.

M. d’Alvimar ne crut pas devoir parler de sa visite et de son repas au presbytère. Il parla de la beauté agreste des environs et du temps doux et riant de cette matinée d’automne.

— Oui, dit Bois-Doré, nous en avons pour plusieurs jours encore, car le soleil…

Il fut interrompu par un cri perçant qui partait du dehors, et, courant le plus vite qu’il put, pour savoir ce