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— Il faudra donc mourir ! se disait-il en regardant les renflements du gazon qui couvrait, comme les sillons d’un champ, la tombe de ces obscurs villageois ; mourir peut-être sans fortune et sans pouvoir, comme les misérables serfs qui n’ont pas même laissé un nom à inscrire sur ces petites croix de bois pourri ! Ni crédit ni renommée en ce monde ! Des colères, des déceptions, d’inutiles travaux, d’inutiles efforts… des crimes, peut-être !… tout cela pour arriver au seuil de l’éternité, sans avoir pu servir la gloire de l’Église en cette vie et sans avoir mérité mon pardon dans l’autre !

Tout en pensant à la destinée, il en vint à se persuader que l’influence du diable avait gâté la sienne.

Il songea un instant à se confesser à ce prêtre dont l’œil lui avait paru intelligent, et puis il eut peur de confier les secrets qui dévoraient sa vie et son repos.

Au milieu de ces idées noires, il vit enfin arriver M. Poulain, qui vint à lui en le saluant avec déférence.

La connaissance fut bientôt faite.

Ces deux hommes sentirent, dès les premiers mots, qu’ils étaient aussi ambitieux l’un que l’autre.

Le recteur emmena d’Alvimar chez lui et l’invita à déjeuner.

— Je ne pourrai vous offrir, lui dit-il, qu’un repas bien pauvre ; ma cuisine ne ressemble pas à celle du château. Je n’ai ni valets ni vassaux à mes ordres pour servir de pourvoyeurs à mes festins. La frugalité de ma table vous permettra donc de garder assez d’appétit pour faire honneur encore à celle du marquis, dont la cloche ne sonnera pas avant deux ou trois heures d’ici.

Il y avait, dans ce début, un sentiment d’aigreur jalouse contre le château qui n’échappa pas à l’Espagnol. Il se hâta d’accepter le déjeuner du recteur, certain d’apprendre