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chérie, est-ce que tu deviens bas-bleu ? À l’heure qu’il est, Lélia fait fureur dans quelque concert à Londres, ou bien elle joue nonchalamment de l’éventail dans quelque tertullia à Madrid ; mais je suis sûr qu’elle ne possède pas mieux que toi la grimace inspirée et le jargon byronien.

— Sais-tu où l’on a retrouvé ce bracelet ? dit Pulchérie en montrent à Sténio un cercle d’or ciselé qu’il avait longtemps vu au bras de Lélia.

— Dans l’estomac d’un poisson ? dit Sténio en poursuivant sa raillerie.

— À la Punta-di-Oro : un chasseur le rapporta le lendemain de la disparition de Lélia, et la camériste assure le lui avoir attaché elle-même au bras lorsqu’elle partait pour la dernière fête de la villa Bambucci. »

Sténio jeta les yeux sur le bracelet ; il s’était brisé dans un mouvement impétueux de Lélia, la nuit qu’elle avait passé à discuter ardemment avec Trenmor sur une des cimes de la montagne. Cette fracture fit quelque impression sur Sténio. Lélia pouvait, dans une de ses courses capricieuses à travers le désert, avoir été assassinée. Ce bijou s’était échappé peut-être de la ceinture d’un bandit. Des conjectures sinistres s’emparèrent de l’esprit de Sténio, et, par une de ces réactions inattendue auxquelles sont sujettes les organisations troublées, il tomba dans une profonde tristesse, et passa machinalement à son bras l’anneau d’or rompu. Puis il se promena dans les jardins d’un air sombre, et revint au bout d’un quart d’heure réciter à Pulchérie le sonnet suivant qu’il venait de composer :

À UN BRACELET ROMPU.

« Restons unis, ne nous quittons pas, nous deux qui avons partagé le même sort ; toi, cercle d’or, qui fus l’emblème de l’éternité ; moi, cœur de poëte, qui fus un reflet de l’infini.

« Nous avons subi le même sort, et tous deux nous demeurons brisés. Te voilà devenu l’emblème de la fidélité de la femme ; me voici devenu un exemple du bonheur de l’homme.

« Nous n’étions tous deux que des jouets pour celle qui mettait l’anneau d’or à son bras, le cœur du poëte sous ses pieds.