Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 2.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
268
PROCOPE LE GRAND.

à craindre que l’évêque de fer, l’énergique Sbinko, le cardinal de Winchester et le légat Julien lui-même, avec bien d’autres prélats et saints pères du concile, n’eussent aussi l’œil d’aigle, la peau noire, velue et dure comme l’acier ?

Il y avait encore quelques Taborites retranchés à Lomnety et sur le Tabor. Ils firent une tentative pour se réunir avec leurs armes et leurs chariots ; ils voulaient lutter encore, ils juraient de venger la mort de Procope. Mais Ulric Rosenberg les intercepta, et livra un combat à ceux de Tabor, où, malgré leur petit nombre, ils se défendirent comme des lions, depuis midi jusqu’à minuit. Ils n’étaient que trois cents, comme aux Thermopyles ! Enfin ils furent égorgés dans les ténèbres ! on entendit leurs cris d’un grand mille de Bohême. Ils protestaient, en succombant, contre la tyrannie qui s’apprêtait à les venger. Les échos de la Bohême répétèrent ce cri terrible de vallée en vallée. C’était le dernier cri de la liberté.

L’histoire de Tabor n’est pourtant pas finie. Il restait quelques prêtres et des fidèles dispersés et désespérés. Sigismond allait revenir, la main sur son cœur, la cocarde calixtine au chapeau, et la Marseillaise bohémienne sur les lèvres, en attendant qu’il relevât les forteresses de Prague et qu’il mît le concordat dans sa poche. Mais les docteurs de la loi taborite conservaient dans leurs âmes comme un dépôt sacré la grande doctrine de l’égalité, formulée sous le symbole de la coupe. Cette doctrine, élaborée par eux, continue une lutte religieuse et philosophique, tout aussi importante dans l’histoire de la révolution hussite que les combats et les victoires de Ziska et de Procope. Nous reverrons à Tabor même ces vieux et augustes débris de la loi aux prises avec l’éloquence fallacieuse d’un pape. Nous regrettons que l’espace nous manque ici pour transcrire ces précieux do-