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PROCOPE LE GRAND.

tout on avait les yeux sur Procope : « C’est celui-là, disait-on, qui, tant de lois, a mis en fuite les armées des fidèles, qui a renversé tant de villes, qui a massacré tant de milliers d’hommes ; aussi redoutable à ses propres gens qu’à ses ennemis, capitaine invincible, hardi, intrépide et infatigable. »

Ne croirait-on pas, d’après ce récit du pape Pie II, voir l’Église retranchée, comme le vieux Priam, derrière les murailles troyennes du concile, faire le dénombrement des Grecs, et s’arrêter, avec une complaisante terreur, sur Procope, comme sur l’indomptable Achille ? Ce devait être en effet un spectacle effrayant et bizarre que celui de ces représentants du peuple, ces guerriers implacables et ces prêtres austères, sans ornements et sans luxe, escortés d’hommes farouches, de sans-culottes terribles, traversant la foule brillante et corrompue des princes et des prélats épouvantés.

Dès la première audience, le cardinal Julien leur fit un discours emphatique et caressant, pour leur faire entendre, à l’aide de toutes les métaphores à la mode dans l’éloquence religieuse officielle de ce temps-là, qu’ils n’avaient qu’à se justifier, à se faire absoudre, et à rentrer aveuglément dans le sein de la sainte mère Église, l’arche sainte, le jardin fermé, la fontaine cachetée, dont l’eau guérit à jamais de la soif… de la connaissance, apparemment, etc., etc. ; enfin, que, pourvu qu’ils reconnussent l’infaillibilité du concile, ils pouvaient compter sur leur pardon.

Ce n’était point là ce que les Bohémiens étaient venus chercher. Ils répondirent qu’ils ne méprisaient pas les conciles, mais qu’ils se fondaient avant tout sur les saintes Lettres, les Pères de l’Église, et l’Évangile, « qu’ils demandaient une audience publique à laquelle les Laïques assistassent. » Rockisane parla avec élo-