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PROCOPE LE GRAND.

Ziska ; elle ne sut pas profiter de ses exploits. Brave et sanguinaire aussi quand elle défendait ses intérêts, elle devenait pusillanime, ingrate et rusée dès qu’elle les voyait menacés.

Ces rigueurs envers Koribut irritèrent aussi les Taborites et les Orphelins, qui l’avaient vu combattre hardiment avec eux contre las ennemis du pays et s’exposer, pour la cause bohémienne, à la disgrâce de son parent le roi de Pologne, aux anathèmes du pape et aux fureurs de l’Autriche. On vit alors une de ces monstrueuses alliances qui s’opèrent dans les grandes crises politiques entre deux minorités désespérées. L’extrême gauche et l’extrême droite de la nation, les Catholiques et les Taborites de Prague se liguèrent pour délivrer Keribut et s’emparer de la métropole. Un coup de main fut tenté pendant la nuit, et jeta l’alarme dans la ville. La paix éternelle jurée par Procope n’avait pas duré plus que l’apparition des Allemands en Bohème. Mais Procope fut étranger à cette conspiration ; et, d’ailleurs, les Calixtins avaient violé le pacte les premiers en violant le droit des gens dans la personne de Koribut, sans consulter la nation. Les bourgeois de Prague tendirent les chaînes des rues et repoussèrent l’attaque avec fureur ; plusieurs seigneurs catholiques y périrent. Un d’entre eux, Hiacko de Waldstein, le même qui commandait avec Procope dans la grande bataille contre les Allemands, fut assassiné et pendu au gibet par un scélérat qu’il avait résolument sauvé de la corde. Les Orphelins et les Taborites de Prague furent si horriblement massacrés, qu’il ne s’en sauva pas vingt. Le parti calixtin préludait, par ces dates de rigueur et de haine, à la grande hécatombe de jacobins et de montagnards qu’elle devait bientôt offrir à l’Allemagne pour rentrer en grâce auprès d’elle.