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DU TOUR DE FRANCE.

— Ainsi tu me conseilles toi-même d’épouser le Corinthien ! Et son ambition, et sa jalousie, et ses outrages, dont j’ai tant souffert, et son amour pour la Savinienne qui n’est peut-être pas éteint ? Tu oublies que cette nuit je l’ai chassé d’ici dans un accès de haine et de colère inexprimable.

— Il reviendra te demander pardon de ses torts, et tu le corrigeras de ses défauts en le guérissant de ses souffrances, en lui prouvant ta sincérité par des promesses…

— C’est de la folie ! s’écria la marquise poussée à bout. Ou vous jouez, ton père et toi, une comédie pour m’éprouver, ou vous êtes sous l’empire de je ne sais quel rêve de républicanisme romanesque auquel vous voulez me sacrifier. Je voudrais bien voir ce que dirait mon oncle si tu voulais épouser Pierre Huguenin, et ce que tu dirais toi-même si on te le conseillait…

Yseult sourit, et déposa sans rien répondre un long baiser sur le front de sa cousine. Son visage avait une expression sublime.

CHAPITRE XXXIII.

Le soir de ce jour déjà si rempli d’émotions, Pierre et le Corinthien travaillaient à la lumière, agités eux-mêmes d’une sorte de fièvre. Amaury, ennuyé de son entreprise, se hâtait d’achever ses dernières figures sculptées, et aspirait à entamer les ornements plus faciles auxquels Pierre devait l’aider. La partie de pure menuiserie n’avait pas été à beaucoup près aussi vite. Il y avait encore bien des panneaux disjoints, bien des moulures inachevées. Mais le père Huguenin avait été forcé de prendre patience ; car