Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 2.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
171
DU TOUR DE FRANCE.

— Je suis bien sûre, mon oncle, dit Joséphine que ce jeune homme ne l’entend pas ainsi. Il est fier, désintéressé : il ne voudrait pas devoir ses succès à la position que je lui aurais faite dans le monde.

— Il a de l’ambition, dit le comte ; quiconque se sent artiste en a, et la soif de la gloire vaincra bien vite ses scrupules.

— Mais moi, mon oncle, je ne voudrait pas servir d’instrument à la fortune d’un ambitieux. Si le Corinthien pouvait accepter ma fortune avant d’avoir à m’offrir un nom en échange, je douterais de son amour et ne le partagerais plus.

— Eh bien, comme le temps presse et qu’il faut prendre un parti, je vais l’interroger, dit le comte en se levant. Il faut qu’il sache bien que vous l’aimez assez pour l’épouser, quelle que soit sa position, et que j’y consentirais, dût-il rester ouvrier. N’est-ce pas que c’est bien là votre pensée ?

— Mais, mon oncle,… dit Joséphine en se levant aussi et en retenant le comte qui faisait mine de la quitter, donnez-moi le temps de la réflexion. Je n’ai jamais songé à tout cela, moi ! Prendre l’engagement de me remarier, quand je ne suis pas encore veuve, et que je ne connais du mariage que ses plus grands maux… c’est impossible ! il faut que je respire, que je demande conseil…

— À qui, ma chère nièce ? au Corinthien ?

— À vous, mon oncle, c’est à vous que je demanderai conseil ! s’écria Joséphine en se jetant dans les bras du comte avec une ruse caressante.

Le vieux comprit fort bien que la jeune marquise le suppliait de la détourner d’un engagement dont elle avait peur, et qu’elle ne demandait qu’un peu d’aide pour rompre une liaison dont elle rougissait. Joséphine avait aimé le Corinthien, mais elle était vaine : on ne renonce