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DU TOUR DE FRANCE.

la maison l’intimité étrange qui s’était établie à la Tour carrée entre la demoiselle du château, la lingère et les artisans ; que les domestiques en avaient bavardé dans le village ; que, du village, les mauvais propos avaient été plus loin, et que, dans les foires et marchés des environs, il n’était pas question d’autre chose. Il ajouta que cela lui faisait une peine mortelle, et qu’il avait failli se battre avec ceux qui déchiraient ainsi la sœur de M. Raoul.

— Vous auriez dû le faire et n’en jamais parler, lui répondit Raoul qui l’avait écouté en silence ; mais, puisque vous n’avez fait ni l’un ni l’autre, je vous conseille fort, monsieur Isidore, de ne vous lamenter auprès de personne autre que moi de la malveillance dont ma sœur est l’objet. Il est possible qu’elle ait eu trop de liberté pour une jeune personne ; mais est impossible qu’elle en ait jamais abusé. Il est possible encore que je m’occupe de faire cesser les causes de ces mauvais bruits ; il est possible surtout que je fasse un exemple, et que les bavards insolents aient à se repentir avant qu’il soit peu. Quant à vous, rappelez-vous qu’il y a une manière de défendre les personnes à qui l’on doit du respect, qui est pire que de les accuser. Si vous veniez à l’oublier, je pourrais bien, malgré toute l’amitié que j’ai pour vous, vous casser sur la tête la meilleure de mes cannes.

En parlant ainsi, Raoul piqua des deux et froissa assez rudement, du poitrail de son cheval, le bidet beauceron d’Isidore, qui marchait à ses côtés. Le fils de l’économe fut forcé de faire place à son maître, qui franchit lestement la grille du parc, et laissa derrière lui l’officieux causeur, fort étonné et un peu inquiet du résultat de son entreprise.

Pendant que la Savinienne était l’objet de cet entretien, il y en avait un autre non moins animé à son sujet