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LE COMPAGNON

Le Corinthien écrivit pourtant ; il écrivit dans la nuit, sous l’empire d’une indignation et d’un dégoût profonds pour la marquise. Aussitôt que le jour parut, il courut porter sa lettre à la poste, et elle partit avant que Pierre, vaincu par la fatigue, se fût réveillé.

CHAPITRE XXX.

Pendant plusieurs jours le Corinthien ne revit pas la marquise ; et comme elle n’avait la conscience d’aucun tort envers lui, la coquetterie étant chez elle une seconde nature, sa surprise fut extrême ; mais son chagrin ne fut pas bien profond d’abord. Son enivrement se prolongea jusqu’à une partie de chasse que les amis de Raoul lui avaient proposée et qu’ils arrangèrent pour elle. Yseult tâcha d’abord de l’en détourner, n’aimant pas à la voir entrer en relation avec des gens qu’elle croyait antipathiques à son grand-père, et vers lesquels elle ne se sentait portée par aucun lien d’idées ou de position. Mais le vieux comte n’était pas fâché de voir sa famille se rattacher par quelque bout à la noblesse du pays, et il autorisa sa nièce à se distraire en acceptant l’invitation qu’une élégante et fière comtesse des environs, sœur d’un des plus ardents adorateurs de Joséphine, vint lui faire en personne. Cette visite diplomatique avait pour but, dans la pensée de la noble dame, le mariage de ce frère, le vicomte Amédée, avec la riche Yseult de Villepreux. Yseult s’étonna un peu de ce retour vers elle après l’indignation que ses idées républicaines bien connues avaient excitée chez sa voisine. Elle y répondit assez froidement ; et pourtant, comme Joséphine la conjurait de l’accompagner, elle ne refusa pas ouvertement. Joséphine ne montait pas à cheval : on devait venir la prendre en calèche. Yseult était une très-