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Eh bien ! moi, je me fais gloire d’être du Saint Devoir de Dieu, et par conséquent je suis votre supérieur et votre ancien ; vous me devez le respect, et vous allez faire acte de soumission. À cette condition les choses se passeront tranquillement entre nous.

— Je ne vous ferai aucune soumission, répondit Pierre, fussiez-vous maître Jacques en personne.

— Tu blasphèmes ! s’écria l’étranger ; en ce cas tu n’appartiens à aucune société constituée. Tu n’as pas de Devoir, ou bien tu es un révolté, un indépendant, un Renard de liberté, ce qu’il y a de plus méprisable au monde.

— Je ne suis rien de tout cela, répondit Pierre en souriant.

— Gavot, gavot, en ce cas ! s’écria l’étranger en frappant du pied. Écoutez, qui que vous soyez, Coterie, Pays ou Monsieur, vous n’avez pas envie de vous battre, ni moi non plus ; et j’aime à croire que ce n’est pas plus poltronnerie de votre part que de la mienne. Je sais qu’il est parmi les gavots des gens assez courageux, et que la prudence n’est pas chez tous, sans exception, un faux semblant de sagesse pour cacher le manque de cœur. Quant à moi, vous ne supposerez pas que je sois un lâche quand je vous aurai dit mon nom, et je vais vous le dire, vous n’êtes peut-être pas sans avoir entendu parler de moi sur le tour de France. Je suis Jean Sauvage, dit La terreur des gavots, de Carcassonne.

— Vous êtes, dit Pierre Huguenin, tailleur de pierres, compagnon passant. J’ai entendu parler de vous comme d’un homme brave et laborieux ; mais on vous reproche d’être querelleur et d’aimer le vin.

— Et si vous connaissez si bien mes défauts, reprit Jean Sauvage, vous devez savoir aussi la malheureuse aventure qui m’est arrivée à Montpellier, avec un jeune