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M. Lerebours courut ramasser son fils, la bonne Joséphine devint pâle, la voiture allait toujours.

— S’est-il tué ? demanda le comte à son petit-fils qui, du haut du siége, en se retournant, voyait la piteuse figure d’Isidore.

— Il ne s’en porte que mieux ! répondit le jeune homme en riant.

Le valet de chambre et le postillon en firent autant, surtout quand ils virent Beauceron, débarrassé de son fardeau et bondissant comme un cabri, passer auprès d’eux et gagner le large au grand galop.

— Arrêtez ! dit le comte ; cet imbécile est peut-être écloppé de l’aventure.

— Ce n’est rien, ce n’est rien ! s’empressa de crier M. Lerebours en voyant la voiture arrêtée ; il ne faut pas que M. le comte se retarde.

— Mais si fait ! dit le comte, il doit être moulu, et d’ailleurs le voilà à pied ; car, au train dont va le cheval, il aura gagné l’écurie avant son maître. Allons, mon fils va rentrer dans la voiture, et le vôtre montera sur le siège.

Isidore tout rouge, tout sali, tout ému, mais s’efforçant de rire et de prendre l’air dégagé, s’excusa ; le comte insista avec ce mélange de brusquerie et de bonté qui était le fond de son caractère.

— Allons, allons, montez ! dit-il d’un ton absolu, vous nous faites perdre du temps.

Il fallut obéir. Raoul de Villepreux entra dans la berline, et Isidore monta sur le siége, d’où il eut le loisir de voir courir son cheval dans le lointain. Tout en répondant, comme il pouvait, aux condoléances malignes du valet de chambre, il jetait à la dérobée un regard inquiet dans la voiture. Il s’aperçut alors que mademoiselle de Villepreux se cachait le visage dans son mouchoir. Avait-elle été