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chœur recouvert de boiseries sculptées. C’étaient ces belles sculptures en plein chêne noir qu’il s’agissait de restaurer. L’ancienne porte de la tourelle que les maçons venaient de démasquer donnerait comme autrefois sur une tribune ; mais cette tribune servirait de palier, garnie d’une balustrade, à un escalier tournant dont plusieurs dessins avaient été essayés et parmi lesquels on devait choisir le plus convenable.

Cette chapelle, cet escalier et cette tourelle auront trop d’importance dans le cours de notre récit, pour que nous n’ayons pas cherché à en présenter l’image à l’esprit du lecteur. Nous devons ajouter que ce corps de bâtiment était situé entre une partie du parc où la végétation avait envahi les allées, et une petite cour ou préau qui avait été tour à tour cimetière, parterre et faisanderie, et qui n’était plus qu’une impasse obstruée de décombres.

C’était donc l’endroit le plus silencieux et le moins fréquenté du château, une retraite philosophique, ou un laboratoire artistique que l’on voulait déblayer et restaurer, mais conserver mystérieux et sombre, soit pour y travailler sans distraction, soit pour s’y retrancher contre les visiteurs importuns.

C’est vers ce lieu solitaire que M. Lerebours conduisit les deux meniusiers, l’un calme, et l’autre s’efforçant de le paraître.

Mais d’abord, Pierre ne songea ni à son père ni à lui-même. L’amour de sa profession, qu’il comprenait en artiste, fut le seul sentiment qui s’empara de lui lorsqu’il pénétra dans cette antique salle, véritable monument de l’art de la menuiserie. Il s’arrêta au seuil, saisi d’un grand respect ; car il n’est point d’âme plus portée à la vénération que celle d’un travailleur consciencieux. Puis il s’avança lentement sous la voûte et parcourut toute l’enceinte d’un pas inégal, tantôt se pressant pour examiner les