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payé selon son mérite. Je me fais fort de cela, et il me semble que je n’ai jamais manqué d’ouvriers quand j’ai voulu faire faire des travaux. Allons ! il faudra que j’aille à Valençay. Il y a là de bons menuisiers, à ce que j’ai ouï dire.

— Si l’ouvrage était seulement dans le genre de la chaire que j’ai confectionnée dans l’église de la paroisse… dit le menuisier rappelant avec adresse l’excellent travail dont il s’était acquitté l’année précédente.

— Ce sera peut-être plus difficile, reprit l’intendant, qui, la veille, avait examiné attentivement la chaire de la paroisse et qui savait fort bien qu’elle était sans défauts.

Et comme il s’en allait toujours, le père Huguenin se décida à lui dire :

— Eh bien, monsieur Lerebours, j’irai voir cette boiserie ; car, à vous dire vrai, il y a longtemps que je ne suis entré là, et je ne me rappelle pas ce que ce peut être.

— Venez-y, répondit l’économe qui devenait plus froid à mesure que l’ouvrier se laissait gagner ; la vue n’en coûte rien.

— Et cela n’engage à rien, reprit le menuisier. Eh bien, j’irai, monsieur Lerebours.

— Comme il vous plaira, mon maître, dit l’autre ; mais songez que je n’ai pas un jour à perdre. Pour obéir aux ordres de la famille, il faut que ce soir j’aie pris une décision, et si vous n’en avez pas fait autant, je partirai pour Valençay.

— Diable ! vous êtes bien pressé, dit Huguenin tout ému. Eh bien ! j’irai aujourd’hui.

— Vous feriez mieux de venir tout de suite, pendant que j’ai le temps de vous accompagner, reprit l’impassible économe.

— Allons donc, soit ! dit le menuisier. Mais il faut que j’emmène mon fils ; car il s’entend assez bien à faire