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d’un homme comme cela, vous n’avez rien à craindre, vous avez été brave et cruelle à bon marché.

— Eh bien ! si j’ai eu tort, c’est votre faute, Joséphine, dit mademoiselle de Villepreux avec un peu d’humeur. Vous avez provoqué cette sotte réponse par une exclamation déplacée.

— Eh ! mon Dieu ! qu’ai-je donc fait de si révoltant ? Le fait est que j’ai été surprise de vous trouver en conversation animée avec un garçon menuisier. Qui ne l’eût été à ma place ? J’ai fait un cri malgré moi ; et quand j’ai vu ce garçon rougir jusqu’au blanc des yeux, j’ai été bien fâchée d’être entrée aussi brusquement. Mais comment pouvais-je prévoir…

— Ma chère, dit Yseult en l’interrompant avec un dépit qu’elle ne se souvenait pas d’avoir jamais éprouvé, permettez-moi de vous dire que vos explications, vos réflexions et vos expressions sont de plus en plus ridicules, et que tout cela est du plus mauvais ton. Faites-moi l’amitié de parler d’autre chose. Si je prenais mon grand-père pour juge de la question, il comprendrait peut-être mieux que moi ce que vous avez dans l’esprit, mais je ne sais pas s’il voudrait me le dire.

— Vous me donnez là une leçon bien blessante, répondit Joséphine, et c’est la première fois que vous me parlez ainsi, ma chère Yseult. J’ai dit apparemment quelque chose de bien inconvenant, puisque j’ai pu vous blesser si fort. C’est la faute de mon peu d’éducation ; mais vous, qui avez tant d’esprit, ma cousine, je m’étonne que vous ne soyez pas plus indulgente à mon égard. Si je vous ai offensée, pardonnez-le-moi…

— C’est moi qui vous supplie de me pardonner, dit Yseult d’une voix oppressée en embrassant Joséphine avec force, c’est moi qui ai tort de toutes les manières. Une faute en entraîne toujours une autre. J’ai dit tout à l’heure