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temps que blessé des vues sordides que laissaient percer ses vieilles sœurs, il conspira contre ces dernières en les quittant. Il assura leur existence ; mais il abolit leur autorité en appelant à son lit de mort le comte de Villepreux, et en plaçant Joséphine et ses biens sous sa protection. Le comte sentit fort bien qu’ayant fait le malheur de la pauvre jeune bourgeoise en l’unissant à son mauvais sujet de neveu, il avait beaucoup à réparer envers elle. Il comprit ses devoirs, et, l’ayant aidée à fermer les yeux à son père, il se déclara son subrogé-tuteur en attendant sa majorité qui était proche. Il fit exécuter le testament, assembla le conseil de famille, expulsa, selon la volonté du défunt, les vieilles tantes de la fabrique, confia la conduite de l’exploitation industrielle à un chef entendu et probe ; puis il emmena la marquise dans sa propre famille, et l’y traita avec une affection paternelle, dont le premier acte fut de signifier au marquis des Frenays qu’il ferait respecter la séparation convenue, et qu’il protégerait au besoin sa femme contre lui.

Cette louable conduite déchaîna contre M. de Villepreux la branche de la famille à laquelle tenait le marquis des Frenays. Cette branche était ultra-royaliste, ruinée, jalouse, et accusait le vieux comte d’être spoliateur, avare et jacobin.

Joséphine, soustraite à tous ses persécuteurs et à tous ses tyrans, commença enfin à respirer. D’abord l’intimité douce et cordiale de son oncle, l’amitié délicate d’Yseult, la tranquillité bienveillante de leurs manières et de leurs habitudes, lui semblèrent le paradis après l’enfer. Mais à cette tête excitée il eût fallu un peu plus de mouvement, soit de dissipations, soit d’aventures, que n’en offrait la vie paisible et rangée du vieux comte. Yseult était aussi une compagne un peu sérieuse pour la romanesque Joséphine. Habituée déjà à s’isoler en esprit de ceux qui