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comte demanda à son intendant si on les avait enfin repris. — Oui, monsieur le comte, répondit M. Lerebours. Quatre ouvrier sont à la besogne, et travaillent même aujourd’hui.

— Malgré le dimanche ? observa le curé.

— Vous leur donnerez l’absolution, curé, dit le comte.

— Je crains, dit alors Isidore qui attendait avec impatience le moment de placer son mot, que monsieur le comte ne soit guère content de l’ouvrage qu’ils font. Ils emploient du bois qui n’est pas assez sec, et n’entendent rien à leur besogne. Le vieux Huguenin n’est pas maladroit, mais il est blessé ; et son fils est un ignorant fieffé, un avocat de village, un âne, en un mot.

— Laisse donc les ânes tranquilles, dit le comte en mêlant tranquillement ses cartes, nous n’y pensions pas.

— Que monsieur le comte me permette de lui dire que ce lourdaud n’est pas propre aux travaux qu’on lui a confiés. Il serait bon tout au plus à fendre des bûches.

— En ce cas-là tu ne serais pas en sûreté, répondit le comte, qui, dans son genre, était aussi railleur que le père Huguenin. Mais qui donc a choisi cet ouvrier ? n’est-ce pas monsieur ton père ?

M. Lerebours était à l’autre bout de l’appartement, se perdant en exclamations louangeuses sur la tapisserie que brodait madame des Frenays, et n’entendant pas les insinuations de son fils contre Pierre Huguenin.

— Mon père s’est trompé sur cet homme-là, répondit Isidore à demi-voix. On le lui avait vanté. Il a cru faire une bonne affaire en le payant moins cher qu’un homme de talent qu’on eût fait venir d’ailleurs. Mais c’est une erreur ; car tout ce qui a été fait et tout ce qu’on va laisser faire, il faudra le recommencer. Je veux perdre mon nom si la chose n’arrive pas comme je le dis.

— Perdre ton nom ! reprit le comte, jouant toujours aux