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le célébrer ? Je ne vois pas pourquoi vous vous fâchez contre nous, à moins que vous ne nous preniez pour des gendarmes. Dieu merci, nous sommes dans une maison sûre, et nous nous connaissons tous ; autrement vous nous feriez peur, comme Croquemitaine aux petits enfants. Allons, mon maître, videz votre verre au lieu de le fêler. Je vous ferai raison en l’honneur de qui vous voudrez ; car, moi, je respecte toutes les opinions, et je salue toutes les gloires de la France. La France, mes amis ! quand on aime la France, on ne comprend pas que ses vrais enfants puissent se quereller entre eux pour des noms propres. Mais c’est assez de politique pour ce soir, puisque cela trouble le bon accord de notre réunion. Père Vaudois, parlons de nos affaires. Je vous enverrai donc deux barriques de ce vin blanc ?… Tout à l’heure, capitaine, nous causerons de votre quartant de bourgogne ; et quant à vous autres, messieurs, si vous voulez bien rédiger vos notes de commande, je les inscrirai sur mon livre dans l’instant.

Le médecin et l’avocat se mirent à parler sérieusement de leur cave, et tout autre sujet de conversation fut écarté, comme si le but principal du souper eût été une séance de dégustation. Puis ils parleront de chasse, de port d’armes, de chiens et de perdreaux, et bientôt toute trace d’une tentative ou d’un projet sérieux fut effacée de la réunion.

Le Dignitaire prit Pierre à part.

— La société dans laquelle vous êtes venu ici, lui dit-il en faisant allusion au Berrichon, me prouve que vous ne vous attendiez pas à y trouver certaines personnes. On paraissait cependant compter sur vous. D’où vient cette méprise ?

— Je me le suis demandé comme vous d’abord, répondit Pierre, et puis je me suis souvenu qu’on m’avait