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Pierre adressa la même question au Dignitaire, qui lui fit à peu près la même réponse.

Enfin il interrogea aussi le maître serrurier, qui lui répondit :

— Pas plus que vous ; mais on m’a répondu de lui, et je suis tenté de me mettre dans la politique. Pourtant je veux d’abord savoir à quoi m’en tenir.

Pierre examina le Vaudois, et se convainquit bientôt qu’un lien, sinon mystérieux, du moins sympathique, existait entre lui et le commis voyageur. Il commença donc à changer d’opinion sur le compte de ce dernier, et à l’écouter avec autant d’intérêt qu’il avait fait d’abord avec répugnance.

Il se disposait à l’avertir de la nullité du rôle du Berrichon, lorsqu’on frappa à la porte, et deux personnes en costume de chasse, ayant le fusil sur l’épaule et la carnassière au côté, entrèrent avec leurs chiens et leur provision de gibier, qu’ils déposèrent sur la table en échangeant d’affectueuses poignées de main avec l’avocat et le commis voyageur.

— Allons, s’écria l’un des chasseurs dont la figure n’était pas inconnue à Pierre Huguenin, nous n’avons pas fait buisson-creux aujourd’hui… et je vois qu’on peut vous faire le même compliment, ajouta-t-il en baissant la voix et en s’adressant au commis voyageur, tout en regardant Pierre, le Corinthien, le maître serrurier et le Berrichon, qui s’étaient groupés à un bout de la table par discrétion.

— Père Vaudois, mettez-nous ce maître lièvre à la broche, dit un autre chasseur que Pierre reconnut pour un des jeunes médecins qui avaient soigné à l’hospice les compagnons blessés chez la Mère ; nos chiens l’ont forcé ; il sera tendre comme une alouette. Nous mourons de faim et de fatigue, et nous sommes bien heureux de n’être pas forcés d’aller jusqu’à Blois pour souper.