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bravement disputé et repris, se montre ici dans un dernier vestige des modes du temps passé. Sainte-Sévère, la dernière forteresse où se retranchèrent nos ennemis, et d’où ils furent si fièrement expulsés par Du Guesclin soutenu de ses bons hommes d’armes et des rudes gars de l’endroit, élève encore, au bord de l’Indre, comme une glorieuse vigie, sa grande tour effondrée de haut en bas par la moitié, en pleine Vallée-Noire, dans un site moins riant que ceux du nord de la vallée, mais déjà empreint de la tristesse romantique de la Marche et des mouvements plus accusés de cette région montagneuse.

C’est dans la Vallée-Noire qu’on parle le vrai, le pur berrichon, qui est le vrai français de Rabelais. C’est là qu’on dit un draggouer, que les modernes se permettent d’écrire draggoir ou drageoir, fautes impardonnables : un bouffouer (un soufflet) que nos voisins dégénérés appellent boufferet. C’est là que la grammaire berrichonne est pure de tout alliage et riche de locutions perdues dans tous les autres pays de la langue d’oil. C’est là que les verbes se conjuguent avec des temps inconnus aujourd’hui, luxe de langage qu’on ne saurait nier : par exemple, cet imparfait du subjonctif qui mérite attention :

  Il ne faudrait pas que je m’y accoutumige,
                que tu t’y accoutumigis,
                qu’il s’y accoutumigit,
                que nous nous y accoutumigiens,
                que vous vous y accoutumiège,
                qu’il s’y accoutumiengent.

C’est, dit le Dante, en parlant de la Toscane, la contrée où résonne le si. Eh bien, la Vallée-Noire est le pays où résonne le zou. Le zou est à coup sûr d’origine celtique,