Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/80

Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
DE M. ANTOINE

parlez-moi, car je ne suis pas patient avec les gens de l’autre monde.

— Que fais-tu ici ? pourquoi détruis-tu mes plantations, bête stupide ? répondit M. de Boisguilbault, que le danger auquel il venait d’échapper comme par miracle n’avait nullement calmé.

— Excusez, reprit Jean stupéfait, vous ne paraissez pas content ! C’est donc vous qui tapez comme ça ? Vous n’êtes pas mignon dans la colère, et vous n’avertissez pas le monde. Ah çà ! ne recommencez plus, car si vous ne m’aviez pas rendu un si grand service, je vous aurais déjà coupé en deux comme un osier.

— Not’maître, not’maître, faites pardon, dit le métayer, qui avait abandonné lestement la tête de ses bœufs pour se mettre entre le charpentier et le marquis, c’est moi qui ai demandé le Jean pour abattre nos arbres. Personne ne s’y entend comme lui, et il fait l’ouvrage de dix à lui tout seul. Voyez s’il a perdu son temps ! Depuis midi jusqu’à cette heure, il a jeté bas ces trente arbres, il les a débités comme vous voyez, et il nous a aidés à les retirer de l’eau. Ne vous fâchez pas contre lui, not’maître ! C’est un rude ouvrier, et ça serait pour son profit qu’il ne travaillerait pas si bien.

— Et pourquoi abat-il mes arbres ? qui lui a permis de les abattre ?

— C’est des arbres que la dribe avait déracinés, not’maître, et qui commençaient à jaunir : une dribe de plus, et l’eau les emportait avec la souche. Voyez si je vous trompe ! »

Le marquis retrouva alors assez de calme pour regarder autour de lui, et pour constater que l’inondation du mois de juin avait couché ces arbres sur le flanc. La terre largement crevassée et les racines en l’air attestaient la vérité du rapport qu’on lui faisait. Mais, ne voulant