— Eh bien, maintenant, ami, il n’y a plus qu’à obtenir le consentement des parents.
— Oh ! je vous réponds d’Antoine, si je m’en mêle. Il a de la fierté ; il craindra que votre père n’hésite, mais je sais ce que j’ai à lui dire là-dessus.
— Quoi donc, que lui direz-vous ?
— Ce que vous ne savez pas, ce que je sais à moi tout seul ; je n’ai pas besoin d’en parler encore, car le temps n’est pas venu, et vous ne pouvez pas penser à vous marier avant un an ou deux.
— Jean, confiez-moi ce secret comme je vous ai confié le mien. Je ne vois qu’un obstacle à ce mariage : c’est la volonté de mon père. Je suis résolu à le vaincre, mais je ne me dissimule pas qu’il est grand.
— Eh bien, puisque tu as été si confiant et si franc avec le vieux Jean, le vieux Jean agira de même à ton égard. Écoute, petit : avant peu, ton père sera ruiné et n’aura plus sujet de faire le fier avec la famille de Châteaubrun.
— Si tu disais vrai, ami, malgré le chagrin que mon père devrait en ressentir, je bénirais ta singulière prophétie ; car il y a bien d’autres motifs qui me font redouter cette fortune.
— Je le sais, je connais ton cœur, et je vois que tu voudrais enrichir les autres avant toi-même. Tout s’arrangera comme tu le souhaites, je te le prédis. Je l’ai rêvé plus de dix fois.
— Si vous n’avez fait que le rêver, mon pauvre Jean…
— Attendez, attendez… Qu’est-ce que c’est que ce livre-là, que vous portez toujours sous le bras et que vous avez l’air d’étudier ?
— Je te l’ai dit, un traité savant sur la force de l’eau, sur la pesanteur, sur les lois de l’équilibre…
— Je m’en souviens fort bien, vous me l’avez déjà dit ;