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LE PÉCHÉ

— Ce mot me blesse ; je ne croyais pas qu’on pût m’accuser de faire courir un danger quelconque à une personne dont la réputation et la dignité me sont aussi sacrées qu’à ses parents et à ses plus proches amis.

— C’est bien parler, mais cela ne répond pas tout droit à mes questions. Voulez-vous que je vous dise une chose ? c’est qu’au commencement de la semaine dernière, j’ai été à Châteaubrun pour emprunter à Antoine un outil dont j’avais besoin. J’y ai trouvé ma mie Janille ; elle était toute seule, et vous attendait. Vous n’y êtes pas venu, et elle m’a tout conté. Or, mon garçon, si elle ne vous a pas fait mauvaise mine dimanche, et si elle vous permet de revenir de temps en temps voir sa fille, c’est à moi que vous le devez.

— Comment cela, mon brave Jean ?

— C’est que j’ai plus de confiance en vous que vous n’en avez en moi. J’ai dit à ma mie Janille que si vous étiez amoureux de Gilberte, vous l’épouseriez, et que je répondais de vous sur le salut de mon âme.

— Et vous avez eu raison, Jean, s’écria Émile en saisissant le bras du charpentier : jamais vous n’avez dit une plus grande vérité.

— Oui ! mais reste à savoir si vous êtes amoureux, et c’est ce que vous ne voulez pas dire.

— C’est ce que je peux dire à vous seul, puisque vous m’interrogez ainsi. Oui, Jean, je l’aime, je l’aime plus que ma vie et je veux l’épouser.

— J’y consens, répondit Jean avec un accent de gaieté enthousiaste, et quant à moi, je vous marie ensemble… Un instant ! un instant ! si Gilberte y consent aussi.

— Et si elle te demandait conseil, brave Jean, toi, son ami et son second père ?

— Je lui dirais qu’elle ne peut pas mieux choisir, que vous me convenez et que je veux vous servir de témoin.