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DE M. ANTOINE

— Si cela me mène à cet état d’esprit où il faut que je sois pour m’entendre parfaitement avec mon père, je ne penserai pas que ce soit du temps perdu.

— C’est très-joliment dit, et tu es fort aimable ; mais je ne crois pas que cela avance beaucoup nos affaires, à moins que tu ne veuilles te donner entièrement à mon entreprise. Voyons, veux-tu que nous mandions ici de meilleurs conseils, et que nous recommencions à examiner les localités ?

— J’y consens de tout mon cœur, et je persiste à croire que c’est mon devoir de vous y engager.

— Fort bien, Émile, je vois que tu crains que je ne mange ta fortune, et cela ne me déplaît pas.

— Vous ne comprenez rien au sentiment que je porte à cet égard au fond de mon cœur, répondit Émile avec vivacité ; et pourtant, ajouta-t-il en faisant un effort pour s’observer, je désire que vous l’interprétiez dans le sens qui vous agréera le plus.

— Tu es un grand diplomate, il faut en convenir ; mais tu ne m’échapperas point. Allons, Émile, il faut se prononcer. Si, après l’examen répété et approfondi que nous projetons, la science et l’observation décident que maître Jappeloup et toi n’êtes point infaillibles, que l’usine peut s’achever et prospérer, que ma fortune et la tienne sont semées ici, et qu’elles y doivent germer et fructifier, veux-tu t’engager à embrasser mes plans corps et âme, à me seconder de toutes manières, des bras et du cerveau, du cœur et de la tête ? Jure-moi que tu m’appartiens, que tu n’auras au monde d’autre pensée que celle de m’aider à t’enrichir ; abandonne-m’en tous les moyens sans les discuter ; et, en retour, je te jure, moi, que je donnerai à ton cœur et à tes sens toutes les satisfactions qui seront en mon pouvoir et que la moralité ne proscrira point. Je crois être clair ?