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LE PÉCHÉ

puissantes, et, dans le mien, un courage à toute épreuve.

— Merci de Dieu ! s’écria Janille désespérée, nous voilà tous maudits. Il ne manquait plus que cela ! Voilà ma fille qui l’aime et qui le lui a dit, et qui le lui dit encore devant nous ! Ah ! malheur ! malheur sur nous, le jour où ce jeune homme est entré dans notre maison !… »

Antoine, accablé, ne sut que fondre en larmes, pressant sa fille contre son sein. Mais Émile, ranimé par la vaillance de Gilberte, sut dire tant de choses, qu’il réussit à s’emparer de cette âme incapable de se défendre. Janille elle-même fut ébranlée, et on finit par adopter le plan que les deux amants avaient conçu eux-mêmes, à Crozant, à savoir, d’attendre, ce qui ne résolvait pas grand’chose, au gré de Janille ; et de ne se pas voir trop souvent, ce qui la rassurait du moins un peu sur les dangers de la situation extérieure.

On quitta le verger, et quelques moments après, Galuchet en sortit aussi, mais furtivement, et, sans avoir été vu, il s’enfonça dans les haies pour gagner à couvert la route de Gargilesse.

Émile resta à dîner, car ni Antoine ni Janille n’eurent le courage de lui faire abréger une visite qui ne devait plus se renouveler avant la semaine suivante.

Le cœur affectueux et naïf du bon campagnard ne savait pas résister aux caresses et aux tendres discours de ses deux enfants, et, lorsque Janille avait le dos tourné, il se laissait aller à partager leurs espérances et à bénir leur amour. Janille essayait de leur tenir rigueur, et sa tristesse était réelle et profonde ; mais il n’y a pas de plan de séduction mieux organisé que celui de deux amants qui veulent gagner un ami à leur cause. Ils étaient si bons tous deux, si dévoués, si tendres, si ingénieux dans leurs douces flatteries, et si beaux surtout, l’œil et le front