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LE PÉCHÉ

mais pour moi-même, qui ne puis vivre séparé d’elle, et qui ne me relèverai qu’avec son consentement et le vôtre.

— Viens sur mon cœur, s’écria M. Antoine transporté de joie et d’enthousiasme ; car tu es un noble enfant, et je savais bien qu’il n’y avait rien de plus grand et de plus loyal que ton âme ! »

Et il serrait dans ses bras le svelte jeune homme comme s’il eût voulu l’étouffer. Janille, attendrie, couvrit ses yeux de son mouchoir ; mais tout à coup, renfonçant ses larmes :

« Voilà des folies, monsieur Antoine, dit-elle, de vraies folies ! Observez-vous et ne laissez pas aller votre cœur si vite. Certes, celui-là est un brave garçon, et, si nous étions riches, ou s’il était pauvre, nous ne pourrions jamais mieux choisir ; mais n’oublions pas que ce qu’il propose est impossible, que sa famille n’y consentira jamais, et qu’il vient de faire un roman dans sa petite cervelle. Si je ne vous aimais pas tant, Émile, je vous gronderais de monter ainsi l’imagination de M. Antoine, qui est encore plus jeune que la vôtre, et qui est capable de prendre vos rêves au sérieux. Heureusement sa fille est plus raisonnable que lui et que moi. Elle n’est pas du tout troublée de vos douces paroles. Elle vous en sait gré, et vous remercie de vos bonnes intentions ; mais elle sait bien que vous ne vous appartenez pas, que vous ne pouvez pas encore vous passer du consentement de votre père, et que, quand même vous seriez en âge de lui faire des sommations respectueuses, elle est trop bien née pour vouloir entrer de force dans une famille qui la repousserait.

— C’est vrai, cela ! dit M. Antoine, sortant comme d’un rêve : nous divaguons, mes pauvres enfants ! jamais M. Cardonnet ne voudra de nous, car nous n’avons à lui offrir qu’un nom qu’il doit traiter de chimère, dont nous