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« Voilà encore la gondole du masque. » La nuit, le masque parcourait la ville entière, cherchant on ne sait quoi. On le voyait tour à tour sur les places les plus vastes et dans les rues les plus tortueuses, sur les ponts et sous la voûte des grands palais, dans les lieux les plus fréquentés ou les plus déserts. Il allait tantôt lentement, tantôt vite, sans paraître s’inquiéter de la foule ou de la solitude, mais ne s’arrêtait jamais. Il paraissait contempler avec une curiosité passionnée les maisons, les monuments, les canaux, et jusqu’au ciel de la ville, et savourer avec bonheur l’air qui y circulait. Quand il rencontrait une personne amie, il lui faisait signe de le suivre, et disparaissait bientôt avec elle. Plus d’une fois il m’a ainsi emmené, du sein de la foule, dans quelque lieu désert, et il s’est entretenu avec moi des choses que nous aimions. Je le suivais avec confiance, parce que je savais bien que nous étions amis ; mais beaucoup de ceux à qui il faisait signe n’osaient pas se rendre à son invitation. Des histoires étranges circulaient sur son compte et glaçaient le courage des plus intrépides. On disait que plusieurs jeunes gens, croyant deviner une femme sous ce masque et sous cette robe noire, s’étaient enamourés d’elle, tant à cause de la singularité et du mystère de sa vie que de ses belles formes et de ses nobles allures ; qu’ayant eu l’imprudence de la suivre, ils n’avaient jamais reparu. La police, ayant même remarqué que ces jeunes gens étaient tous Autrichiens, avait mis en jeu toutes ses manœuvres pour les retrouver et pour s’emparer de celle qu’on accusait de leur disparition. Mais les sbires n’avaient pas été plus heureux que les douaniers, et l’on n’avait jamais pu ni savoir aucune nouvelle des jeunes étrangers, ni mettre la main sur elle. Une aventure bizarre avait découragé les plus ardents limiers de l’inquisition viennoise. Voyant qu’il était impossible d’attra-