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affectueusement sur son épaule. Pauline, ramenée à un sentiment de tendresse par une souffrance qu’en cet instant du moins elle ne pouvait pas imputer à sa rivale, retourna doucement la tête et effleura de ses lèvres la main de Laurence. Elle semblait lui demander pardon de l’avoir haïe et calomniée dans son cœur. Laurence ne comprit ce mouvement qu’à moitié, et appuya sa main plus fortement, en signe de profonde sympathie, sur l’épaule de la pauvre enfant. Alors Pauline, dévorant ses larmes et faisant un nouvel effort : — J’étais, dit-elle en crispant de nouveau ses traits pour sourire, en train de reprocher à votre ami l’abandon où il vous laisse. — L’œil scrutateur de Laurence se porta sur Montgenays. Il prit ce regard de sévère équité pour un élan de colère féminine, et se rapprochant d’elle : — Vous en plaignez-vous, Madame ? dit-il avec une expression qui fit tressaillir Pauline. — Oui, je m’en plains, répondit Laurence d’un ton plus sévère encore que son regard. — Eh bien ! cela me console de ce que j’ai souffert loin de vous, dit Montgenays en lui baisant la main. Laurence sentit frissonner Pauline. — Vous avez souffert ? dit madame S…, qui voulait pénétrer dans l’âme de Montgenays ; ce n’est pas ce que vous disiez tout à l’heure. Vous nous parliez de folies de jeune homme qui vous auraient un peu étourdi sur les chagrins de l’absence. — Je me prêtais à la plaisanterie que vous m’adressiez, répondit Montgenays. Laurence ne s’y fût pas trompée. Elle sait bien qu’il n’est plus de folies, plus de légèretés de cœur possibles à l’homme qu’elle honore de son estime. En parlant ainsi, son œil brillait d’un feu qui donnait à ses paroles un sens fort opposé à celui d’une paisible amitié. Pauline épiait tous ses mouvements ; elle vit ce regard, et elle en fut atteinte jusqu’au cœur. Elle pâlit et repoussa la main de Laurence par un mouvement brusque et hautain. Lau-