Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
LE PÉCHÉ

quillement. On ne peut pas dire à ce garçon : « Vous me déplaisez », cela ne se dit pas. On ne peut pas lui dire non plus : « Nous sommes de bonne maison, et vous vous appelez Galuchet ; » car cela serait dur et mortifiant.

— Et ce ne serait pas là une raison, dit Gilberte. Que nous importe la noblesse à présent ? La vraie noblesse est dans le cœur, et non dans de vains titres. Ce n’est pas le nom de Galuchet qui me répugne, ce sont les manières et les sentiments de l’homme qui le porte.

— Ma fille a raison : le nom, la profession et la fortune n’y font rien, dit M. Antoine. Ce n’est donc pas de cela que nous pouvons nous servir. On ne peut pas reprocher non plus à un homme les défauts de sa personne. Ce que nous avons de mieux à dire, c’est que Gilberte ne veut pas se marier.

— Ah mais ! Monsieur, un petit moment, dit Janille, je n’entends pas qu’on dise cela, moi ; car si ce jeune homme allait le répéter (comme cela ne peut manquer), il ne se présenterait plus personne, et je ne suis pas d’avis que ma fille se fasse religieuse.

— Il faut pourtant alléguer quelque chose, reprit M. Antoine. Disons, en ce cas, qu’elle ne veut pas se marier encore, et que nous la trouvons trop jeune.

— Oui, oui, c’est cela, mon père ! vous avez trouvé la meilleure raison, et c’est la vraie ; je ne veux pas me marier encore, je suis trop jeune.

— Ce n’est pas vrai ! s’écria Janille. Vous êtes en âge, et je prétends qu’avant peu vous trouviez un beau et bon mari qui vous plaise et qui nous plaise à tous.

— Ne pense pas à cela, ma mère, reprit Gilberte avec feu. Je te fais le serment devant Dieu que mon père a dit la vérité. Je ne veux pas encore me marier, et je désire que tout le monde le sache, afin que tous les prétendants soient écartés. Ah ! si vous voulez m’entourer d’importu-