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terreur ; elle reporta ses yeux sur elle-même avec inquiétude, trouva sa robe flétrie, ses mains rouges, ses souliers épais, sa démarche gauche. Elle eût voulu se cacher pour échapper à ce regard qui la suivait toujours, qui observait son trouble, et qui était assez pénétrant dans les sentiments d’une donnée vulgaire pour comprendre d’emblée ce qui se passait en elle. Quelques instants après, elle remarqua que Montgenays parlait d’elle à Laurence ; car, tout en s’entretenant à voix basse, leurs regards se portaient sur elle. — Est-ce une première camériste ou une demoiselle de compagnie que vous avez là ? demandait Montgenays à Laurence, quoiqu’il sût fort bien le roman de Pauline. — Ni l’une ni l’autre, répondit Laurence. C’est mon amie de province dont je vous ai souvent parlé. Comment vous plaît-elle ? — Montgenays affecta de ne pas répondre d’abord, de regarder fixement Pauline ; puis il dit d’un ton étrange que Laurence ne lui connaissait pas, car c’était une intonation mise en réserve depuis longtemps pour faire son effet dans l’occasion : — Admirablement belle, délicieusement jolie ! — En vérité ! s’écria Laurence toute surprise de ce mouvement, vous me rendez bien heureuse de me dire cela ! Venez, que je vous présente à elle. — Et, sans attendre sa réponse, elle le prit par le bras et l’entraîna jusqu’au bout du salon, où Pauline essayait de se faire une contenance en rangeant son métier de broderie. — Permets-moi, ma chère enfant, lui dit Laurence, de te présenter un de mes amis que tu ne connais pas encore, et qui depuis longtemps désire beaucoup te connaître. — Puis, ayant nommé Montgenays à Pauline, qui, dans son trouble, n’entendit rien, elle adressa la parole à un de ses camarades qui entrait ; et, changeant de groupe, elle laissa Montgenays et Pauline face à face, pour ainsi dire tête à tête, dans le coin du salon.

Jamais Pauline n’avait parlé à un homme aussi bien