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DE M. ANTOINE

du mal de ce prétendant ? c’est fort inutile de nous le dire : nous n’avons pas besoin de vous pour nous en débarrasser.

— Laisse, Janille, ne le gronde pas, dit Gilberte en caressant sa vieille amie. Cela me fait du bien d’entendre dire que les prétentions de cet homme-là sont un outrage pour moi, car je me sens humiliée d’y songer. J’en ai froid, j’en suis malade. Et mon père ne comprend pas cela, pourtant ! Mon père se trouve honoré par sa demande et ne saura rien lui dire pour me préserver de sa vue !

— Ah ! ah ! reprit Janille en riant, c’est lui qui a tort comme à l’ordinaire, le méchant homme ! c’est lui qui fait pleurer sa fille ! Ah mais ! Monsieur, voulez-vous par hasard faire le tyran ici ? Ne comptez pas là-dessus, car ma mie Janille n’est pas morte et n’a pas envie de mourir.

— C’est cela, dit M. Antoine ; c’est moi qui suis un despote, un père dénaturé ! Bien, bien ! tombez sur moi, si cela vous soulage. Ensuite, ma fille voudra peut-être bien me dire à qui elle en a, et ce que j’ai fait de si criminel.

— Mon bon père, dit Gilberte, en se jetant dans ses bras, laissons ces tristes plaisanteries, et dépêche-toi de renvoyer d’ici, pour toujours, M. Galuchet, afin que je respire, et que j’oublie ce mauvais rêve.

— Ah ! voilà le hic, répondit M. Antoine, il s’agit de savoir ce que je vais lui écrire, et c’est pour cela qu’il est bon de tenir conseil.

— Entends-tu, mère ! dit Gilberte à Janille, il ne sait que lui répondre ? apparemment il n’a pas su refuser.

— Eh bien, mon enfant, ton père n’a pas tant de tort, répondit Janille, car, moi aussi, j’ai reçu la demande de ton beau soupirant, je l’ai écouté sans m’émouvoir, et je ne lui ai dit ni oui, ni non. Allons ! allons ! ne te fâche pas. C’est comme cela qu’il faut agir, et consultons-nous tran-