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Elle fait toutes ces choses de sang-froid, avec une impétuosité préparée, avec une douleur étudiée. Au fond, elle est fort tranquille, fort heureuse ; et moi, qui devrais avoir le calme de Dieu sur le front, il se trouve que je ressemble à Phèdre !

Comme elle pensait cela, Laurence lui dit brusquement : — Je fais tout ce que je peux pour trouver ta pose d’hier soir quand tu étais là sur ton coude… je ne peux pas en venir à bout ! C’était magnifique. Allons ! c’est trop récent. Je trouverai cela plus tard, par inspiration ! Toute inspiration est une réminiscence, n’est-ce pas, Pauline ? Tu ne te coiffes pas bien, mon enfant ; tresse donc tes cheveux au lieu de les lisser ainsi en bandeau. Tiens, Susette va te montrer.

Et tandis que la femme de chambre faisait une tresse, Laurence fit l’autre, et en un instant Pauline se trouva si bien coiffée et si embellie qu’elle fit un cri de surprise. — Ah ! mon Dieu, quelle adresse ! s’écria-t-elle ; je ne me coiffais pas ainsi de peur d’y perdre trop de temps, et j’en mettais le double.

— Oh ! c’est que nous autres, répondit Laurence, nous sommes forcées de nous faire belles le plus possible et le plus vite possible.

— Et à quoi cela me servirait-il, à moi ? dit Pauline en laissant tomber ses coudes sur la toilette, et en se regardant au miroir d’un air sombre et désolé.

— Tiens, s’écria Laurence, te voilà encore Phèdre ! Reste comme cela, j’étudie !

Pauline sentit ses yeux se remplir de larmes. Pour que Laurence ne s’en aperçût pas (et c’est ce que Pauline craignait le plus au monde en cet instant), elle s’enfuit dans une autre pièce et dévora d’amers sanglots. Il y avait de la douleur et de la colère dans son âme, mais elle ne savait pas elle-même pourquoi ces orages s’éle-