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LE PÉCHÉ

c’est parce qu’il était habitué à une grande sobriété. « À la bonne heure ! dit Antoine, Janille avait craint que vous ne fussiez un peu intempérant ; mais ce qui vous est arrivé prouve bien le contraire. »

Ils causèrent assez longtemps, et Galuchet s’obstinant à ne pas partir, quoiqu’il vît bien à l’inquiétude de son hôte qu’il eût voulu ne pas le ramener au château, ils y revinrent, et Galuchet prit aussi Janille à part pour lui confier ses intentions et donner à Antoine le temps de prévenir Gilberte. Il comptait bien sur le dépit qu’elle en éprouverait ; car, cette fois, n’étant pas ivre, il voyait fort clairement l’air irrité d’Émile, et les sentiments de Gilberte pour le protecteur qu’elle avait choisi.

« Cette fois-ci, se disait-il, M. Cardonnet ne me reprochera pas d’avoir perdu mon temps. Mes beaux amoureux vont être dans une furieuse colère contre moi, et M. Émile ne pourra pas se tenir de me chercher noise. » Galuchet n’était pas poltron, et bien qu’il ne supposât pas Émile capable d’un duel à coups de poings, il se disait avec une certaine satisfaction qu’il était de force à lui tenir tête. Quant à une véritable partie d’honneur, cela eût été moins de son goût, parce qu’il n’entendait rien aux armes courtoises ; mais il pouvait bien compter que M. Cardonnet saurait l’en préserver.

Pendant qu’il entretenait Janille, M. de Châteaubrun resta avec sa fille et Émile dans le verger et leur raconta ce qui venait de se passer entre lui et Galuchet, mais avec quelques précautions oratoires. « Eh bien, dit-il, vous l’accusez d’être un sot et un impertinent, vous allez vous repentir de votre dureté ; car c’est là véritablement un digne garçon, et j’en ai la preuve. Je puis raconter cela devant Émile qui est notre ami, et même si Gilberte voulait examiner la chose sans prévention, elle pourrait lui demander des renseignements certains sur ce jeune