Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.
156
LE PÉCHÉ

mademoiselle Gilberte de Châteaubrun, à condition qu’elle épouserait M. Émile Cardonnet ; et à M. Émile Cardonnet, celle de deux autres millions, à condition qu’il épouserait mademoiselle Gilberte de Châteaubrun. Dans le cas où cette condition serait remplie, le mariage serait conclu dans six mois au plus, et M. de Boisguilbault se réservait l’usufruit sa vie durant : mais il donnait la propriété et la jouissance immédiate de cinq cent mille livres aux futurs conjoints dès le jour de leur mariage… Laquelle somme pourtant restait acquise et assurée en jouissance et en propriété à mademoiselle de Châteaubrun, si elle n’épousait pas M. Émile Cardonnet.

On entendit un faible cri derrière la porte ; c’était Janille qui se trouvait mal de joie dans les bras de Sylvain Charasson.


XXXVI.

CONCILIATION.


Gilberte ne comprenait rien à ce qui lui arrivait ; elle ne se faisait aucune idée de ce que c’était que quatre millions de fortune, et un tel fardeau à porter pour une vie aussi simple et aussi heureuse que la sienne, lui eût fait plus de peur que de joie ; mais elle voyait renaître la possibilité de son union avec Émile, et, ne pouvant parler, elle pressait convulsivement la main de M. de Boisguilbault dans les siennes. Antoine était complètement étourdi de voir sa fille si riche. Il ne s’en réjouissait pas plus qu’elle, mais il voyait là une preuve si énorme du généreux pardon du marquis, qu’il croyait rêver et ne trouvait non plus rien à lui dire.

Cardonnet fut le seul qui comprit ce que c’était que quatre millions et demi à réunir sur la tête de ses futurs petits-enfants. Il ne perdit pourtant point la tête, écouta