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jamais je ne renoncerai à mon opinion, et qu’aucun jeu avec ma passion ne pourra lui procurer cette victoire. Il en paraît fort satisfait ; car il croit avoir réussi à me dégoûter d’un mariage qu’il redoutait plus que la ferveur de mes principes.

« Il parlait, ce matin encore, de me distraire, de me faire voyager, de m’envoyer en Italie. Je lui ai dit que je ne voulais pas quitter la France, ni même ce pays-ci, à moins qu’il ne me chassât de la maison paternelle.

« Il a souri, et, à cause de la saignée qu’on m’a faite hier, il n’a pas voulu me contredire ; mais demain, il parlera en ami sévère, après-demain en père irrité, et le jour suivant en maître impérieux. Ne vous inquiétez pas de moi, mon ami, j’aurai du courage, du calme et de la patience. Soit qu’il me condamne à l’exil, soit qu’il me garde auprès de lui pour me torturer, je lui montrerai que l’amour est bien fort quand il est inspiré par l’enthousiasme de la vérité et soutenu par l’idéal.

— Émile, dit le marquis, je sais, par votre ami Jean tout ce qui s’est passé entre votre père et vous, et aussi tout ce qui s’est opéré de grand et de victorieux dans votre âme. J’étais tranquille en venant ici.

— Ô mon ami ! je sais que vous vous êtes réconcilié avec cet homme simple, mais admirable. Il m’a dit que vous deviez venir me voir ; je vous attendais.

— Ne vous a-t-il rien dit de plus ? dit le marquis en examinant Émile attentivement.

— Non, rien de plus, je vous le jure, répondit Émile avec l’assurance de la sincérité.

— Il a bien fait de tenir sa promesse, reprit M. de Boisguilbault, vous étiez trop agité par la fièvre pour supporter de nouvelles émotions. J’en ai subi de violentes moi-même, depuis que nous ne nous sommes vus, mais je suis satisfait du résultat, et je vous le ferai connaître.