Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 2.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
LE PÉCHÉ

Il referma doucement la porte du cabinet, et, revenant vers la cheminée, ses yeux furent frappés enfin de la vue du paquet et d’une lettre à son adresse.


« Monsieur le marquis,

« Je vous avais promis que vous n’entendriez plus parler de moi ; mais vous me forcez vous-même à vous rappeler que j’existe, et, pour la dernière fois, je vais le faire.

« Ou vous avez fait une méprise en me remettant des objets d’une valeur considérable, ou vous avez voulu me faire l’aumône.

« Je ne rougirais pas d’accepter les secours de votre charité, si j’étais réduite à les implorer ; mais vous vous êtes trompé, monsieur le marquis, si vous m’avez crue dans la misère.

« Notre position est aisée relativement à nos besoins et à nos goûts, qui sont modestes et simples. Vous êtes riche et généreux ; je serais coupable d’accepter des bienfaits que vous saurez reporter sur tant d’autres : ce serait voler les pauvres.

« Ce qu’il m’eût été doux d’emporter, et que j’aurais donné mon sang pour l’obtenir, c’est un mot d’oubli et de pardon, une parole d’amitié pour mon père. Ah ! monsieur, vous ne savez pas ce que souffre le cœur d’un enfant quand il voit son père accusé injustement, et qu’il ignore les moyens de le disculper ! Vous n’avez pas voulu me les fournir, puisque vous avez persisté devant moi à garder le silence sur la cause de vos ressentiments ; mais comment n’avez-vous pas compris que, dans cette situation, je ne pouvais pas accepter vos dons et profiter de vos bontés !

« Et cependant je garde un petit anneau de cornaline que