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LE PÉCHÉ

tant à supporter, vous ! On ne vous a pas donné un héritier de contrebande, et si vous n’en avez pas eu le profit, vous n’en avez pas eu la honte !

— Et je n’en aurais pas eu le mérite ! dit le marquis. Jean, rouvre cette porte, et laisse-moi regarder le portrait de la marquise. Tu m’as donné du courage. Tu m’as fait du bien ! J’étais insensé le jour où je t’ai chassé d’auprès de moi. Tu m’aurais empêché de devenir faible et fou. J’ai cru éloigner un ennemi, et je me suis privé d’un ami !

— Mais pourquoi, diable ! me preniez-vous pour votre ennemi ? dit le charpentier.

— Tu n’en sais rien ? dit le marquis en attachant sur lui des yeux perçants.

— Rien, répondit le charpentier avec assurance.

— Sur ton honneur ? reprit M. de Boisguilbault en lui pressant la main avec force.

— Sur mon salut éternel ! répliqua Jean en levant la main au ciel avec dignité. J’espère que vous allez enfin me le dire ? »

Le marquis ne sembla pas entendre cet appel énergique et sincère. Il sentait que Jean avait dit la vérité, et il était allé se rasseoir. Puis, tournant son fauteuil du côté de la porte du cabinet, que Jean avait rouverte, il contemplait avec une tristesse profonde les traits de sa femme.

« Que tu aies continué à aimer ta femme, dit-il ; que tu aies pardonné à l’enfant innocent, je le conçois !… mais que tu aies pu revoir et supporter l’ami qui te trahissait, voilà ce qui me confond !

— Ah ! monsieur de Boisguilbault, voilà, en effet, ce qui m’a été le plus difficile ! d’autant plus que ce n’était pas un devoir, et que tout le monde m’aurait approuvé, si je lui avais cassé les côtes. Mais savez-vous ce qui