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LE PÉCHÉ

honte moi-même d’être son obligé, et je ne veux plus rien lui devoir.

— Ce sont vos ridicules explications qui soulèvent cet inutile débat ! dit le marquis en s’adressant au charpentier. Où avez-vous pris toutes les sottises que vous m’attribuez ? C’est avec le père de cette jeune personne que je suis brouillé pour d’anciennes querelles, et non avec une enfant que je ne connais pas, et dont je n’ai rien à dire, absolument rien…

— Et que vous auriez pourtant chassée de chez vous si elle eût osé s’y présenter ! dit Gilberte en examinant le marquis, dont l’embarras commençait à la rassurer beaucoup.

— Chassée ?… non ; je ne chasse personne ! répondit-il : j’aurais seulement pu trouver un peu blessant, un peu étrange qu’elle eût songé à venir ici.

— Eh bien, elle y a songé bien des fois, pourtant, dit Gilberte ; je le sais, moi, car je connais ses pensées, et je vais répéter ce qu’elle m’a dit…

— À quoi bon ? dit le marquis en détournant la tête, et pourquoi s’occuper si longtemps d’un mouvement qui m’est échappé sans réflexion ? Je serais désespéré de faire naître dans l’esprit de qui que ce soit une mauvaise pensée contre la jeune fille… Je ne la connais pas, je le répète, et ne puis rien lui reprocher. La seule chose que je désire, c’est que mes paroles ne soient pas répétées, torturées, amplifiées… Entendez-vous, Jean ? vous prenez sur vous d’interpréter les exclamations qui m’échappent, et vous le faites fort mal. Je vous prie, si vous avez quelque affection pour moi, ajouta le marquis avec un triste effort, de ne jamais prononcer mon nom à Châteaubrun, et de ne me mêler à aucun propos. Je demande aussi à madame de me préserver de tout contact indirect, de toute explication détournée, de toute espèce de relation,