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pénétrait dans la contrée où son père tentait depuis un an un établissement d’importance. L’aspect de ce lieu lui sembla admirable, et il sut gré à ses parents d’avoir rencontré un site où l’industrie pouvait trouver son compte sans bannir les influences de la poésie.

Il y avait à marcher encore sur le plateau avant d’en atteindre le versant, et d’embrasser d’un seul coup d’œil tous les détails du paysage. À mesure qu’Émile approchait, il y découvrait de nouvelles beautés, et le couvent-château de Gargilesse, planté fièrement sur le roc au-dessus des usines Cardonnet, semblait être là comme une décoration établie à dessein de couronner l’ensemble. Les flancs du ravin, où s’engouffrait rapidement la petite rivière, étaient tapissés d’une végétation robuste, et le jeune homme qui, malgré lui, laissait un peu absorber son attention par les dehors de son nouvel héritage, remarqua avec satisfaction qu’au milieu de l’abatis nécessaire pour l’établir dans une partie aussi ombragée, on avait pourtant épargné de magnifiques vieux arbres, qui faisaient le plus bel ornement de l’habitation.

Cette habitation, située un peu en arrière de l’usine, était commode, élégante, simple dans sa richesse, et des rideaux à la plupart des fenêtres annonçaient qu’elle était déjà occupée. Elle était entourée d’un beau jardin relevé en terrasse le long du torrent, et l’on distinguait de loin les vives couleurs des plantes épanouies qui avaient été substituées comme par enchantement aux souches de saules et aux flaques d’eau sablonneuses dont naguère ces rives étaient bordées. Le cœur du jeune homme battit bien haut, lorsqu’il vit une femme descendre le perron du moderne château, et marcher lentement au milieu de ses fleurs favorites, car c’était sa mère. Il étendit les bras et agita sa casquette pour attirer son attention, mais sans succès. Madame Cardonnet était