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un établissement dans le lieu qui me paraîtra le plus convenable. J’ai des fonds à placer, que ce soit pour moi ou pour d’autres, peu vous importe sans doute ; mais enfin vous pouvez m’aider par vos indications à atteindre mon but.

« — Fort bien, lui dis-je, tout à fait rassuré en voyant qu’il parlait raisonnablement ; mais, pour vous donner des conseils, il me faudrait savoir d’abord quelle espèce d’établissement vous prétendez faire.

« — Il suffira, dit-il, éludant ma question, que vous répondiez à tout ce que je vous demanderai. Par exemple, quelle est, au maximum, la force de ce petit cours d’eau que nous venons de traverser, depuis ce même endroit jusqu’à son débouché dans la Creuse ?

« — Elle est fort irrégulière ; vous venez de la voir au minimum ; mais ses crues sont fréquentes et terribles ; et si vous voulez voir le moulin principal, ancienne propriété de la communauté religieuse de Gargilesse, vous vous convaincrez des ravages de ce torrent, des continuelles avaries qu’éprouve cette pauvre vieille usine, et de la folie qu’il y aurait à faire là de grandes dépenses.

« — Mais avec de grandes dépenses, monsieur, on enchaîne les forces déréglées de la nature ! Où la pauvre usine rustique succombe, l’usine solide et puissante triomphe !

« — C’est vrai, repris-je ; dans toute rivière, les gros poissons mangent les petits. »

« Il ne releva point cette réflexion et continua à me promener et m’interroger. Moi, complaisant par devoir et un peu flâneur par nature, je le conduisis de tous côtés. Nous entrâmes dans plusieurs moulins, il causa avec les meuniers, examina toutes choses avec attention, et revint à Gargilesse, où il s’entretint avec le maire et les principaux de l’endroit, avec lesquels il désira que je