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dimanches, à présent, et voilà des habits neufs qui ne sont point mal.

— Et qu’est-ce qui a filé la laine de ce joli droguet ? reprit Jean : c’est ma mie Janille avec la fille au bon Dieu ! Et qui a donné la laine ? les brebis à mon maître. Et qui a payé la dépense ? ça se paye en amitié, ici. Ce n’est pas vous, bourgeois, qui avez des habits comme ça. Je ne changerais pas ma veste de bureau pour votre queue de pie en drap noir.

— Je m’arrangerais bien de la fileuse, répondit Galuchet en regardant Gilberte.

— Toi ? dit le charpentier en appliquant avec gaieté sur l’épaule de Galuchet une tape à écraser un bœuf ; toi ! tu aurais des fileuses comme ça ? Ma mie Janille est encore trop jeune pour toi, mon garçon ; et, quant à l’autre, je la tuerais si elle filait pour toi seulement un brin de laine long comme ton nez. »

Galuchet fut fort blessé de cette allusion à son nez camus, et, se frottant l’épaule :

« Dites donc, paysan, répondit-il, vous avez des manières trop touchantes ; plaisantez avec vos pareils, je ne vous parle pas.

— Comment appelez-vous ce particulier-là ? dit Jean à M. Antoine ; je ne peux pas me rappeler son diable de nom !

— Allons ! allons ! Jean, tu es un peu en train, mon vieux ! dit M. Antoine, ne te mets pas à taquiner M. Galuchet ; c’est un honnête jeune homme, et, de plus, c’est mon hôte.

— C’est bien dit, mon maître ! Allons, faisons la paix, monsieur Maljuché. Voulez-vous une prise de tabac ?

— Je n’en use pas, répondit Galuchet avec hauteur. Si M. Antoine veut bien me le permettre, je quitterai la table.