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ments élevés, il ne descendrait jamais à un mensonge, à de fausses promesses. Si cette fille est honnête, soyez certain que ses relations avec Émile sont tout à fait innocentes. N’est-ce pas votre opinion ?

— J’aurai là-dessus l’opinion que monsieur voudra.

— C’est être aussi par trop accommodant ! Si vous étiez amoureux de mademoiselle de Châteaubrun, ne chercheriez-vous pas à vous assurer par vous-même de la vérité ?

— Certainement, Monsieur ; mais je n’en suis guère amoureux, pour l’avoir vue une fois.

— Eh bien, écoutez, Galuchet ; vous pouvez me rendre un service. Ce que vous venez de m’apprendre me cause un peu plus d’inquiétude qu’à vous, et tout ce que nous venons de dire, par forme de supposition et de plaisanterie, aura au moins le résultat sérieux de m’avoir averti de certains dangers. Je vous répète que mon fils est trop honnête homme pour séduire une fille sans fortune et sans expérience ; mais il pourrait lui arriver, en la voyant souvent, de prendre pour elle un sentiment un peu trop vif, qui exposerait l’un et l’autre à des chagrins passagers, mais inutiles. Il me serait bien facile de couper court à tout cela en éloignant Émile sur-le-champ ; mais cela contrarierait le projet que j’ai de le former à la pratique de mes occupations, et je regretterais qu’un motif si peu important me forçât à me séparer de lui dans les circonstances présentes. Consentez donc à me servir. Vous êtes sûr d’être bien accueilli à Châteaubrun : allez-y souvent, aussi souvent que mon fils ; faites-vous l’ami de la maison. Le caractère facile du père Antoine vous y aidera. Voyez, observez, et rapportez-moi tout ce qui s’y passe. Si votre présence contrarie mon fils, il sera démontré que le danger existe ; s’il cherche à vous faire éconduire, tenez bon, et posez-vous sans hésitation en prétendant à la main de la demoiselle.