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ça, des cheveux blonds qui ont, je parie, un mètre cinquante centimètres de longueur, des dents superbes et un petit air malin. J’en serais bien amoureux, si je voulais !

— Et pourquoi ne voulez-vous pas ?

— Ah dame ! si j’avais seulement la propriété de dix mille francs, je pourrais bien lui plaire ! mais quand on n’a rien, on ne peut pas plaire à une fille qui n’a rien.

— Vos appointements égalent peut-être son revenu ?

— Mais c’est de l’éventuel, et la vieille Janille qui passe pour sa mère (ce qui me répugnerait un peu, j’en conviens, de devenir le gendre d’une servante), la vieille Janille voudrait certainement un petit fonds pour commencer l’établissement.

— Et vous pensez que dix mille francs suffiraient ?

— Je n’en sais rien ; mais il me semble que ces gens-là n’ont pas le droit d’avoir une grande ambition. Leur masure ne vaut pas quatre mille francs ; la montagne, le jardin et un bout de pré qui est là, au bord de l’eau, tout rempli de joncs, le verger où les arbres fruitiers ne sont bons qu’à faire du feu, tout cela réuni ne doit pas rapporter cent francs de rente. On dit que M. Antoine a un petit capital placé sur l’État. Cela ne doit pas être grand-chose, à voir la vie qu’ils mènent. Mais enfin, s’il y avait là un millier de francs de rente assuré, je m’arrangerais bien de la fille. Elle me plaît, et je suis en âge de m’établir.

M. Antoine a douze cents francs de rente, je le sais.

— Réversibles sur la tête de sa fille, monsieur ?

— J’en suis certain.

— Mais bien qu’il l’ait reconnue, c’est une fille naturelle, et elle n’a droit qu’à la moitié.

— Eh bien, dès à présent vous pourriez donc prétendre à elle ?