Page:Sand - Le Péché de Monsieur Antoine, Pauline, L’Orco, Calman-Lévy, 18xx, tome 1.djvu/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.

agréable, dit Gilberte, qui voyait pour la première fois la ridicule figure de Galuchet, et à qui ses dédains prosaïques donnaient une forte envie de rire. Cependant ces ruines font un grand effet, convenez-en ; elles sont singulières au moins ! Êtes-vous monté jusqu’à la grande tour ?

— Dieu m’en préserve, Mademoiselle ! répondit Galuchet, flatté de l’interpellation de Gilberte, qu’il regardait de toute la largeur de ses yeux ronds, remarquablement écartés, et séparés par un petit bouquet de sourcils fauves assez bizarre. Je vois d’ici l’intérieur de la baraque, puisqu’elle est tout à jour comme un réverbère, et je ne crois pas que cela vaille la peine de se casser le cou. »

Puis, prenant le sourire de Gilberte pour une approbation de cette mordante satire, il ajouta d’un ton qu’il crut plaisant et spirituel : « Beau pays, ma foi ! il n’y pousse pas même du chiendent ! Si les rois maures n’étaient pas mieux logés que ça, je leur en fais mon compliment ; ces gens-là avaient un drôle de goût, et ça devait faire de singuliers pistolets ! Sans doute qu’ils portaient des sabots et qu’ils mangeaient avec leurs doigts ?

— Ceci est un commentaire historique fort judicieux, dit Émile à Gilberte, qui mordait le bout de son mouchoir pour ne pas rire tout haut du ton capable et de la physionomie baroque de M. Galuchet.

— Oh ! je vois bien que monsieur est très moqueur, reprit-elle. Il en a le droit, il vient de Paris, où tout le monde a de l’esprit et de belles manières, et il se trouve ici parmi les sauvages.

— Je ne peux pas dire ça dans ce moment-ci, répliqua Galuchet, en lançant un regard assassin à la belle Gilberte, qu’il trouvait fort de son goût ; mais, franchement, le pays est bien un peu arriéré. Les gens y sont fort malpropres. Voyez ces enfants pieds nus et tout déchi-