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merce et d’industrie spéciale, il n’y avait pas un seul volume dans la maison de son père, et que, croyant retourner à Poitiers, il y avait laissé le peu d’ouvrages littéraires qu’il possédait.

Mais Gilberte insinua qu’il y avait une bibliothèque très étendue à Boisguilbault.

Jean avait autrefois travaillé dans une grande chambre pleine de livres, et il était bien regrettable qu’on ne se vît point, car on aurait pu profiter d’un si utile voisinage.

Ici Janille, qui tricotait toujours en marchant, releva la tête.

« Ça doit être un tas de vieux bouquins fort ennuyeux, dit-elle, et je serais bien fâchée, pour mon compte, d’y mettre le nez ; je craindrais que ça ne me rendît maniaque comme celui qui en fait sa nourriture.

M. de Boisguilbault lit donc beaucoup ? demanda Gilberte ; sans doute il est fort instruit.

— Et à quoi cela lui a-t-il servi de tant lire et de devenir si savant ? Il n’en a jamais fait part à personne, et ça n’a réussi à le rendre ni aimant, ni aimable. »

Janille ne voulant pas s’exposer plus longtemps à parler d’un homme qu’elle haïssait, sans pouvoir ou sans vouloir dire pourquoi, fit quelques pas dans le préau vers ses chèvres, comme pour les empêcher de brouter une vigne qui tapissait l’entrée du pavillon carré.

Émile profita de cet instant pour dire à Gilberte que s’il y avait, en effet, tant de livres à Boisguilbault, elle en aurait bientôt à discrétion, dût-il les emprunter à la dérobée.

Gilberte ne put le remercier que par un sourire, n’osant y joindre un regard : elle commençait à se sentir embarrassée avec lui lorsque Janille n’était pas entre eux.

« Ah ça ! dit Janille en se rapprochant, M. Antoine ne